L’importance du travail strict en gymnastique pour la pratique du CrossFit ®*
Par Arnaud - Le 29 juin 2022
Ce n’est pas un secret et ça ne l’a jamais été. Le travail en strict est primordial. Néanmoins, j’ai l’impression que cela rentre un peu plus dans la conscience collective.
[Cet article est paru dans le WorkOut Mag’ n°31 – Abonnez-vous ici]. Au départ, lorsque je donnais des séminaires à travers la France et les pays francophones, cela paraissait absurde quand je disais « il faut entre 8 et 10 tractions strictes avant de pouvoir parler de kipping pour les hommes et entre 6 et 8 minimum pour les femmes ». Je ne disais pas qu’il était impossible de faire du kipping sans ce prérequis, mais qu’il est indispensable pour minimiser le risque de blessure et favoriser une bonne pratique tout en progressant plus sainement et plus rapidement sur le long terme. Depuis environ deux ans, j’ai l’impression que revenir et connaître les bases est mieux accepté. Les athlètes le comprennent de plus en plus. Ça n’a donc jamais été un scoop, mais trop de personnes ont négligé l’importance du strict. Dans cet article, je vais vous aider à mieux cerner les tenants et les aboutissants du travail strict.
Rappel
Pour partir sur de bonnes bases, faisons un bref rappel de ce qu’est la gymnastique dans le CrossFit ®*. Elle fait partie des trois modalités principales du CrossFit ®* qui sont :
– Monostructural : conditionnement métabolique avec des mouvements répétitifs et cycliques qui peuvent être poursuivis pendant de longues périodes de temps.
– Gymnastics : gymnastique, donc contrôle de son corps uniquement.
– Weightlifting : charge externe, donc déplacement ou manipulation d’un objet.
La gymnastique dans le CrossFit ®* regroupe tous les mouvements utilisés avec son poids de corps, c’est-à-dire sans charge externe. C’est un élément essentiel de la hiérarchie théorique du développement d’un athlète que l’on retrouve dans la « pyramide » CrossFit ®*.
À lire aussi : Des conseils pour passer votre première traction stricte (ou mieux les réussir)
Le contrôle du corps est donc une chose essentielle en CrossFit ®*. Pour rentrer un peu plus dans le détail, on distingue généralement plusieurs agrès, si je puis dire, en gymnastique dans le CrossFit ®*. Nous pouvons, selon moi, les répartir en 4 catégories :
- Le sol (push-ups et toutes ses variations, handstand hold/push-ups/walk, air squats, pistols, box jump…)
- Les barres (tous les mouvements à la barre donc famille des tractions, bar muscle-up, toes-to-bar, knee to elbow, chest to bar…) + les barres parallèles, mais en CrossFit ®* on parle plus de parallettes (L-sit, Push-ups parallettes, HSPU aux parallettes, équilibre en force et plein d’autres mouvements annexes).
- Les anneaux (dips, muscle-up, tirages, skin the cat, HSPU aux anneaux…)
- Autres : cette catégorie « autres » fait référence à tous les autres mouvements où l’on utilise son poids de corps. Il y a, par exemple, les mouvements de suspension autres qu’à la barre et aux anneaux comme les montées de corde (sans/avec jambes, à l’équerre, renversé…) ou encore le PegBoard. Cela peut aussi faire référence à tous les « grimpers » dans un parcours d’obstacle, l’épreuve de la planche… En bref, tous les mouvements qui ne rentrent pas dans les trois catégories précédentes et qui nécessitent seulement de maîtriser son poids de corps.
À l’intérieur de chaque agrès, vous retrouvez du travail en strict. Du plus commun au plus original, en inventant vos propres variantes. Cela représente un vaste répertoire gestuel. Des centaines de mouvements différents qui vous permettront d’être plus fort, plus performant et en meilleure santé. Mais avant d’aller chercher trop loin, il faudra veiller à toujours travailler les mouvements principaux.
Quand je parle de strict, je parlerai tout au long de l’article de mouvements gymniques effectués avec contrôle, sans aide d’élan généré par la production de puissance de vos hanches.
Les effets bénéfiques du travail strict
Travailler en strict sur les mouvements gymniques vous fera prendre une force considérable du haut du corps. Par exemple, si vous augmentez votre nombre de tractions strictes ou même votre 1 RM traction stricte, vous aurez un transfert notable sur vos kipping pull-ups (si votre technique est bonne). Via cette augmentation de force maximale, vous aurez une augmentation de votre endurance de force. Lorsque vous faites des séries entre 8 et 12 répétitions, cela a un impact sur l’hypertrophie musculaire. En effectuant des mouvements en strict sur de belles amplitudes, vous minimiserez aussi le risque de blessures, car on va moins vite et on construit du muscle. Tout cela aura un effet positif sur le contrôle du corps. Grâce au travail strict, vous pourrez apprendre de nouvelles habiletés techniques. Si vous voulez apprendre un muscle-up, mais que vous ne savez pas faire un strict ring dips… Je vous laisse deviner la suite. Donc avoir plus de force vous permettra de passer des paliers sur des mouvements plus complexes. De plus, il faut savoir que les mouvements complexes n’ont pas de limite. Plus vous êtes fort en strict, plus vous vous pourrez explorer le champ des possibles.
Résumons les effets bénéfiques du travail en strict :
- Augmentation de la force,
- Augmentation de l’endurance de force,
- Réduction du risque de blessures,
- Hypertrophie musculaire,
- Apprentissages plus rapides de nouveaux mouvements,
- Progresser sainement,
- Respecter la méthodologie CrossFit®*.
Si vous suivez la méthodologie CrossFit ®*, le strict est la base
En effet, beaucoup de détracteurs se ruent sur des vidéos d’Internet où l’on peut apercevoir une anguille effectuer une sorte de kipping/buttefly pull-ups. Il bouge dans tous les sens et on a mal pour lui. Ils ont raison de s’en prendre à eux, mais ils ont tort de dire « regardez, c’est ça le CrossFit ®* ». Le CrossFit ®* n’a jamais préconisé le travail en kipping et en butterfly en priorité. Le butterfly est une adaptation du troisième niveau : « c’est une technique efficace nécessaire à la compétition. Ce mouvement a de la valeur pour quelqu’un qui se spécialise dans le sport du CrossFit ®*, mais chaque client ou athlète n’a pas besoin de travailler sur des adaptations de troisième niveau. Le principal objectif de la plupart des athlètes de CrossFit ®* est de rester en bonne santé et actifs le plus longtemps possible » (Gymnastics Course Training Guide). Le prérequis du butterfly, selon la même source, est d’avoir 3 séries de 10 kipping pull-ups. Et le prérequis du kipping pull-up est d’avoir ses tractions strictes comme je vous l’ai cité juste avant. Les mouvements de kipping que ce soit aux tractions, aux pompes renversées (HSPU), aux muscle-ups sont des mouvements qui vous permettront de développer plus de puissance et d’aller plus vite, mais ça n’a jamais été la base. « Mechanics, Consistency, and Intensity », toujours dans cet ordre-là. Vous le trouverez partout. C’est-à-dire apprendre un mouvement correctement, le travailler autant de fois que possible pour le maîtriser et une fois acquis, pouvoir mettre de l’intensité en incorporant ce mouvement. Si vous avez du mal à enchaîner les HSPU, les TTB, les pull-ups ou que vous n’arrivez pas à faire un MU ou un chest-to-bar, je vous poserai toujours les mêmes questions en premier. Je vous mets en situation :
Athlète X : « Je n’arrive pas à passer des muscle-ups ! »
Moi : « C’est quoi ton max en strict rings dips ? Strict pull-ups ? »
Je pose cette question, car cela me permet d’évaluer la force de tirage de l’individu (strict pull-ups) et les prérequis pour le MU (dips).
Athlète x : « J’ai 2 tractions strictes dans mes bons jours et 1 dip »
Je comprends directement pourquoi, effectivement, il n’arrive pas à passer ses muscle-ups sans même avoir vu sa technique. Parfois, ces exemples ne parlent pas, mais imaginez-vous ce scénario en haltérophilie. Quelqu’un qui s’acharne à vouloir épauler 100 kg, mais qui à 80 kg en 1RM front squat. Peut-être que ça vous parle plus ? C’est similaire en gymnastique. Construisez votre force pour réussir et optimisez vos performances sur des mouvements plus complexes. Bref, vous l’aurez compris, si vous voulez suivre la méthodologie CrossFit ®*, suivez les bases. « La force est nécessaire pour une bonne forme, et une bonne forme est nécessaire pour démontrer le contrôle du corps… Plus que toute autre chose, l’exécution stricte établit la maîtrise d’un mouvement et c’est pour cette raison que nous encourageons le mouvement strict avant d’appliquer la dynamique. » (The Gymnastics Course : A CrossFit ®* Preferred Course.)
Comment l’implanter dans l’entraînement ?
Désolé, je vais sûrement en décevoir certains, mais non, il n’y a pas de recette miracle pour introduire la gymnastique dans votre entraînement. Cela va dépendre de plusieurs facteurs comme votre niveau actuel, votre temps de pratique par semaine en CrossFit ®*, vos objectifs… Cependant il existe des ingrédients essentiels qui sont :
- Travail technique
- Gainage
- Travail strict/Renforcement musculaire
Voici un exemple de programmation que propose CrossFit®* Gymnastics pour incorporer la gym dans vos entraînements quotidiens :
Que retrouve-t-on ? Sur 9 exercices à réaliser, 5 sont à faire en strict. Les quatre restants sont :
- Travail technique sur un mouvement isométrique (headstand)
- Travail gymnique du bas corps (pistols)
- Travail des positions de base du gainage (Hollow et Arch)
- Travail sur un mouvement avancé avec une amplitude plus élevée que le standard habituel qui nécessite encore plus de force (Deficit HSPU)
Il y a là tous les ingrédients principaux pour progresser sainement en gymnastique avec plus de la moitié des exercices consacrés aux mouvements stricts.
Et n’oubliez pas, si vous voulez être un meilleur gymnaste en général, il faudra veiller à travailler sur tous les agrès. Plus vous serez complet, plus vous aurez un transfert notable sur d’autres exercices gymniques, mais également sur des mouvements avec charges externes. Si votre objectif est de marcher sur les mains, continuez quand même à travailler sur les anneaux et sur les barres. Tout est lié. Faites de vous le gymnaste le plus complet pour progresser le plus sainement possible. De plus, le travail en strict n’a pas de limite. Si vous pensez que faire 30 strict pull-ups est une prouesse, dites-vous que certains font des séries de tractions avec 60 kg de lestage. Pendant ce temps, d’autres font des séries de tractions strictes à une main… Vous l’aurez compris, le travail en strict ne se cantonne pas seulement au poids du corps. Une fois bien acquis, vous pourrez aller plus loin en vous rajoutant des handicaps (tirage aux anneaux à une main, traction à une main…) ou en vous lestant en gardant une forme stricte. Il y a donc mille et une façons d’incorporer ce travail en strict selon vos objectifs et votre niveau.
Ouverture vers d’autres horizons
Une dernière chose que j’aimerai ajouter, lorsque vous déciderez d’incorporer plus de gymnastique stricte dans vos entraînements, c’est d’inclure plus de tirages que de poussées. Pour ma part, dans mes programmations, je fais en sorte d’avoir un ratio de 3 tirages pour 1 poussée à l’intérieur d’un mesocycle (plan d’entraînement sur un mois généralement) ou d’un macrocycle (plusieurs mesocycles entreposés). Cela ne veut pas dire que vous régresserez en poussée, bien au contraire. Vous serez meilleur et vous réduirez considérablement le risque de blessure. Mais le sujet n’est pas là, toutefois cela pourrait être un bon article dans le prochain numéro. D’ici là, j’espère que vous aurez demandé à votre coach un programme de gymnastique avec incorporation majoritaire du strict ! Dans l’univers gymnique, le strict est la quintessence du contrôle du corps. Si vous pensez être déjà assez bon dans ce domaine, il est quand même temps de s’y remettre sérieusement. Une chose est sûre, on ne l’est jamais assez ! Et n’oubliez pas : patience, persévérance, performance !
Par Imade HAMMA pour WorkOut Mag’
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